La victoire de la beauté

 

 

Introduction 

 

Faut-il une voiture belle ou rapide ? 

Pourquoi pas les deux ?

La Ferrari 330 P4 est la réponse. 

Elle prend forme par une idée de vengeance suite à la défaite de Ferrari face à Ford aux 24H du Mans 1966. 

Il est important de vous installer de décor.

 

Ford voulait rajeunir ses voitures vieillissantes et tente de racheter Ferrari qui était à vendre et lance les négociations. Sauf que Enzo Ferrari décide de vendre son entreprise à Fiat et non à Ford. 

Henri Ford II ne le supporte pas et décide de créer une machine de guerre pour écraser Ferrari aux 24H du Mans : la Ford GT40. 

Avec l'expérience Ferrari gagne face aux Ford GT40 aux 24H du Mans 1964 (avec la Ferrari 275P) et aux Ford Mk II aux 24H du Mans 1965 (avec la Ferrari 275 LM)

En 1966 Ford décide de mettre à jour les Ford GT40 Mk II. 

Ferrari va jouer la carte de la nouvelle Ferrari 330 P3 (victorieuse aux 1000 km de Monza et de Spa) qui est plus légère et consomme moins d'essence que sa concurrente. 

Hélas ça sera un échec pour les 3 Ferrari 330 P3 manquant de puissance et de fiabilité au niveau du moteur et de la transmission...

Ford fera ainsi un triplé à l'arrivée des 24H du Mans 1966.

 

Henri Ford II enfin victorieux, annonce à la surprise générale son retour aux 24H du Mans 1967.

Tout au long de son histoire, la Scuderia Ferrari a montré sa capacité à réagir face aux échecs. Blessée et humiliée sur ses terres mancelles, elle veut sa revanche qui portera le nom de "330 P4".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Création d'une beauté vengeresse : la P4

 

Dès la fin de l'année 1966, Ferrari a de nombreux projets : une nouvelle monoplace de Formule 1 (V 12 à échappement central, 390 ch annoncés), la Dino 206 GT entre en production, un accord a été passé avec Fiat pour créer la Fiat-Dino. 

 

En Endurance, Ferrari reste en quête d’une revanche contre Ford aux 24H du Mans. 

Dès l'automne 1966, Ferrari prépare une nouvelle arme: la P4.

Elle est sans aucun doute l'un des plus beaux prototypes jamais conçus.

 

Le Projet "P4" (version 4 des prototypes "P" chez Ferrari) commence dès la 2e moitié de l'année 1966.

L’ingénieur Mauro Forghieri et le motoriste en chef Franco Rocchi ont créé un nouveau V 12 de 4 litres.

La cylindrée totale est de 3967 cm3 (en divisant 3967 par 12, on est 330.6 par cylindre, d’où le nom "330" : chaque cylindre a une cylindrée d’environ 330 cm3).

 

 

Cette cylindrée est identique au V 12 de la 330 P 3 mais les différences sont nombreuses : 

- La distribution a maintenant trois soupapes par cylindre (36 soupapes en tout).

 

- L’alimentation : injection indirecte au lieu des traditionnels carburateurs.

 

- Le moteur de la P4 développe 450 ch à 8000 tours/minute (30 cheveaux de plus que celui de la P3).

 

- La carrosserie de la P4, est en aluminium et façonnée à la main.

Elle ressemble fort à celle de la P3 mais il y a bien des nuances. Les formes de la P4 sont le fruit d'une étude aérodynamique menée à Stuttgart dans une soufflerie notamment fréquentée par Porsche.

 

- Le châssis est un châssis tubulaire en acier renforcé par des plaques d'aluminium.

 

- Les jantes sont des jantes Campagnolo à cinq branches, en élektron et de couleur dorée.

 

- Et sous le capot arrière, les disques de freins Girling sont accolés aux roues et non plus à la boîte de vitesses.

 

- La boîte de vitesse est une fabrication « maison » et non plus une boîte ZF.

 

- La P4 est aussi plus lègère, environ 60 kilos de moins que la P3.

 

- Enfin, la Scuderia signe un contrat d'exclusivité avec Firestone pour la P4.

 

La vengeance est en marche ! 

 

 

 

 

 

 

 

Objectif : Gagner les 24H de Daytona

 

Dès le début du mois de décembre 1966, le premier exemplaire terminé a été envoyé en Floride pour des tests intensifs sur le circuit de Daytona.

Cette voiture laboratoire (châssis 0846), est un spider développé à partir d'un châssis 330 P3 vainqueur à Monza et Spa en 1966. Tous les records sur la piste de Daytona sont pulvérisés.

 

 

 

Encadrés par Mauro Forghieri et par Eugenio Dragoni (le directeur sportif jusqu’à la fin de 1966), plusieurs pilotes se sont relayés à son volant : Lorenzo Bandini, Lodovico Scarfiotti, Mike Parkes (qui est également ingénieur)  et le nouveau venu Chris Amon (oui oui, ancien vainqueur des 24H du Mans 1966 chez Ford).

Ces pilotes prestigieux alignent des temps très encourageants en vue des 24 Heures de Daytona, première manche du Trophée, à venir le 4 février.

L'objectif est clair, il faut gagner sur les terres de Henri Ford II avec la 330 P4 en ce début de saison 1967. 

 

Durant toute la saison 1967, la Scuderia Ferrari sera placée sous la direction de Franco Lini. Journaliste à Auto Italiana puis à Autosprint, correspondant en Italie pour le quotidien L’Equipe, cet homme est connu des deux côtés des Alpes et parle très bien le français. Très cultivé et plein d’humour, il connaît fort bien pilotes, mécanos et ingénieurs et il a depuis longtemps ses entrées à Maranello. C’est donc lui qui sera aux commandes à Daytona.

 

Du côté Ford, alerté par la vitesse de la nouvelle P4 (et qui ne se contente pas d'être belle à couper le souffle), on décide de procéder quelques jours plus tard à des tests comparatifs.

Dans des conditions climatiques identiques, le verdict du chrono est impitoyable: les Ford GT 40 Mk II, lourdes et démodées, sont surclassées et dépassées. 

Suite à ces résultats on décide de faire un sérieux lifting au prototype Américain. Elle reçoit même une carrosserie plus rigide, de nouveaux disques de frein, la puissance du V8-7 litres est portée à 530 ch mais elle reste encore bien trop lourde...

Ford décide d'engager ses six Mark Il en configuration Le Mans 66 et espère refaire le coup du Mans en essoufflant les Ferrari. 

 

 

Aux 24H de Daytona les Ford vont rencontrer des problèmes de surchauffe. L'augmentation de puissance du moteur sur ce prototype Américain vieux de trois ans est responsable de cette fragilité.

Surclassées en vitesse pure, les Ford Mark Il sont également pénalisées par une trop forte consommation et perdent beaucoup de temps. 

Personne ne peut menacer les Ferrari. Pendant la nuit toutes les Ford disparaisent sur des ennuis de boîte de vitesse.

Hormis quelques petits ennuis de freins, les P4 tournent comme des horloges.

Ferrari tient sa revanche. Dans le fief de Ford, les trois voitures rouges franchissent à 15 heures l'arrivée en formation serrée (comme Ford aux 24H du Mans 1966 à l'arrivée).

L'équipage vainqueur est le duo Lorenzo Bandini et Chris Amon. 

 

Après ce premier duel de 1967, les deux adversaires vont s'éviter et ils se retrouveront seulement en juin pour les 24H du Mans. 

Mis en sommeil depuis l'accident qui coûta la vie à Ken Miles, Henri Ford II relance urgemment le programme du nouveau prototype "J" qui est alors réactivé pour préparer les 24H du Mans 1967, le prototype "J" donnera naissance à la Ford Mk IV.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Saison 1967, après les 24H de Daytona

 

Ford prépare la revanche avec une nouvelle arme : la Mk IV. Cette voiture est plus évoluée en termes d’aérodynamique lui donnant plus de vitesse que la Mk II.

Aux 12 Heures de Sebring le 1er Avril, en l’absence de la Scuderia Ferrari, la Ford Mk IV débute sur une belle victoire. 

 

 

Une semaine après, les 8 et 9 avril ont lieu les essais préliminaires des 24 Heures du Mans. Sur le circuit, Ferrari teste ses deux 330 P4, le spyder et la berlinette.

En 3min et 25 secondes, Bandini bat de plus de 5 secondes le record du tour établi en 1966 par Dan Gurney sur une Ford Mk II.

Ainsi on repart rassuré chez Ferrari pour la suite car la seule Ford Mk IV a tourné encore moins vite.

 

La prochaine course du Championnat se déroule le 25 avril en terre italienne : les 1000 Kms de Monza.

Ford est beaucoup trop concentrée sur la préparation du Mans pour s'engager et  déclare forfait. Ford est représentée par le biais de deux GT 40 privées et des deux Mirage-Ford. 

Les deux P4 d’usine signent un doublé avec Bandini et Amon finissant premiers et le duo Parkes - Scarfiotti finissant deuxièmes. Ferrari termine avec 4 tours d'avance sur Porsche qui finit 3e et 5 tours d'avance sur la première des Ford qui finit 6e. 

 

On enchaîne sur la Belgique et les 1000 Kms de Spa, disputés le 1er mai. Pour l’occasion, l’une des deux Mirage, celle de Jacky Ickx associé à Alan Rees, a droit à un moteur de 5,7 litres qui enmènera Jacky Ickx à la victoire.

La Ferrari 330 P4 du duo Parkes - Scarfiotti terminera 5e.  

 

Six jous plus tard, Ferrari sera en deuil. Au Grand Prix de Monaco le 7 mai Lorenzo Bandini, probablement trop fatigué, a raté un virage au 82e des 100 tours de course. Prisonnier des flammes dans sa 312 F 1 retournée, il n’a pu être secouru assez vite. Il vient de succomber à ses brûlures et blessures, dès les jours suivants...

 

 

Le 14 Mai, direction la Targa Florio cette célèbre course automobile italienne créée en 1906, se déroulait en Sicile, sur les routes montagneuses des Monts Madonie.

Elle a d’abord été une course d’endurance, avant de devenir une épreuve du Championnat du monde des voitures de sport.

Les hommes de la Scuderia arrivent en Sicile le moral au plus bas, suite à la mort de Lorenzo Bandini.

Nino Vaccarella le nouveau venu, souhaite offir la victoire à Ferrari et redonner le moral aux troupes de la Scuderia.

Il sera associé à Scarfiotti au volant de la P4 au châssis 0846.

Après plusieurs tours canons, Nino Vaccarella va taper un trottoir ce qui laisse le champ libre aux Porsche 910 qui l’emportent. 

 

Pas le temps de penser à la défaite, la Scuderia ne pense qu'au prochain round qui se déroulera au Mans dans moins d'un mois ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

24H du Mans 1967

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les 24H du Mans 1967 marquent la véritable apothéose du duel entre ces deux constructeurs, amorcé en 1964.

Nous sommes au Mans les 10 et 11 juin, il y a environ 365 000 spectateurs autour du circuit. La pression médiatique est énorme pour les constructeurs, les journaux annoncent le "duel du siècle" voir "la course du siècle".

Ford engage quatre Mk IV, trois Mk II version B et des GT 40 privées.

Pour Ferrari, ce sont quatre P4, une 365 P2 et trois 412 P. 

 

Les Ferrari 412P (4 pour 4 litres de cylindrée et 12 pour 12 cylindres) sont dotées d'un châssis de P3, d'un moteur type P3 avec des carburateurs de P4 à la place des injecteurs, des suspensions et d'autres améliorations de P4. 

Elles sont construites pour les équipes privées comme le NART (North American Racing Team), la Scuderia Filipinetti, Maranello Concessionaires.

Vous pouvez constater que la beauté est toujours présente. 

 

 

Il fait très beau au Mans pendant tout le week-end et le départ a été donné par Monsieur le ministre Raymond Missoffe, alors ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement français.

En début de course, c’est une Ford Mk II B qui prend la tête (cf, photo ci-dessus).

A la fin de la deuxième heure, la Mk IV N°1 des futurs vainqueurs a pris le commandement.

Chez Ferrari, on sait que 24 heures c'est long et on a choisi de respecter un tableau de marche précis. Le directeur sportif Franco Lini pense que les Ford ne pourront conserver jusqu'au bout une telle cadence et sait que la Mk IV N°1 est un lièvre.

Les meilleures Ferrari P4 sont aux 5e, 6e et 7e rangs.

 

Au cours de la 7ème heure de course, la nuit commence à tomber sur le circuit.

Durant cette heure, Chris Amon est victime d'une crevaison dans la courbe Dunlop.

Il doit parcourir presque un tour complet pour renter au stand et il décide de remplacer sa roue avec l'outillage de bord et s'arrête dans les Hunaudières.

Malheureusement les piles de la lampe de poche sont à plat et c'est à la lueur des phares Chris Amon tente de débloquer l'écrou. Mais au premier coup, la tête du marteau s'envole dans les fourrés...

 

Après une tentative de recherche du marteau sans résultat, il ne reste plus qu'à tenter de rejoindre les stands au ralenti. Mais le pneu déchiqueté arrache une canalisation d'essence qui prend feu et transforme la voiture en brasier au pied d'un poste de commissaires. L'incendie est rapidement éteint et les commissaires aidés des gendarmes chercheront le pilote qui avait pu sauter en marche avant d'être touché par les flammes.

Peu avant l'aube, à l'entreé du Tertre-Rouge, une Mk IV et deux Mk II B sont éliminées suite a une collision entre elles.

 

Au lever du jour, les P4 restantes sont à la poursuite de Gurney-Foyt. La P4 de Ludovico Scarfiotti-Michael Parkes, deuxième avec cinq tours de retard, se retrouve dans le sillage de Dan Gurney. La P4 de Parkes harcèle alors le pilote américain... qui décide de s'arrêter au virage d'Arnage pour le laisser passer.

Le Britannique fait de même mais doit se résoudre à repartir, aussitôt suivi par Gurney qui repasse devant la Ferrari. Ford poursuit sa marche en avant, il est impossible aux P4 de revenir à la régulière.

Le prototype italien obtient finalement les deuxième et troisième places.

 

Cette 35e édition exceptionnelle franchie pour la première fois la barre des 5 000 km parcourus en course.

Elle confirme également la fin du règne Ferrari aux 24H du Mans, mais aussi la fin d'une époque : face à cette envolée des performances, la CSI (Commission Sportive Internationale, ancêtre de l'actuelle Fédération Internationale de l'Automobile) décide de limiter à trois litres la cylindrée des prototypes pour les éditions futures.

Enzo Ferrari va boycotter officiellement l’engagement usine aux 24H du Mans 1968 pour protester. 

 

Même si Ferrari n'a pas remporter les 24H du Mans 1967, son blason a été redoré de nouveau avec sa 2e et 3e place à l'arrivée et a retrouvé son label de fiabilité grâce aux 330 P4 (contrairement aux 330 P3 en 1966). 

 

 

 

Il reste une ultime manche à courir pour l’attribution du Trophée International des Marques: : les 6 Heures de Brands Hatch, le 30 juillet 1967.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le final à BRANDS HATCH

 

 

 

Ford s’abstient d’y participer, ayant gagner les 24 Heures du Mans.

Ferrari en revanche, veut absolument décrocher le titre « Constructeurs » et envoie donc trois P4 en Angleterre. Bingo ! La P4 de Jackie Stewart/Amon se classera 2e.

Ferrari est vainqueur du Trophée International des Marques, devant Porsche et Ford.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fiche technique de la Ferrari 330 P4

Fabricant  Ferrari 

Modele  330 P4 Coupé 

Année de fabrication  1967 

Nombre de portes  2

Nombre de places  2 

Emplacement de moteur  au centre 

Traction  arriere 

Carburant  essence 

Cylindres  V12 

Refroidissement  liquide 

Cylindrée  3967 cm³ 

Puissance  450 ch à 8000 tr/mn 

Boite de vitesse  M5 Boite de vitesse (sur demande)  

Longueur  4185 mm 

Largeur  1808 mm 

Hauteur  1000 mm 

Poids  795 kg 

Vitesse maximale  315 km/h

 

 

 

 

 

 

Conclusion : 

 

À la fois belle, rare et victorieuse, la Ferrari 330 P4 reste l’une des icônes absolues de l’âge d’or de l’endurance.

Elle incarne l’alliance parfaite entre l’esthétique intemporelle et la performance légendaire. Avec ses courbes sensuelles et son moteur V12 envoûtant, elle reste l’une des plus belles voitures de course jamais créées. Triomphante à Daytona en 1967 lors du célèbre triplé Ferrari, elle symbolise à jamais la gloire de Maranello face à Ford dans une des rivalités les plus mythiques de l’histoire du sport automobile.

 

 

 

 

 

 

 

Geoffrey B.

 

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